Enduits et plancher dans un pigeonnier du Quercy

Maison ancienne dans Les Causses du Quercy : escalier extérieur, bolet et le pigeonnier.

Le Quercy est une ancienne province qui correspond à l’aire d’influence du diocèse de Cahors, à cheval sur le Lot et le nord du Tarn-et-Garonne.

L’habitat rural du Quercy est d’abord utilitaire, comme souvent dans les architectures paysannes.

La maison quercynoise est de forme rectangulaire. On ne trouve, généralement, que deux ou trois pièces d’habitation à l’étage auxquelles on accède par un escalier extérieur couvert et d’un seuil appelé « bolet ». Le rez-de-chaussée, de plain-pied ou légèrement plus bas que le sol extérieur, est réservé aux activités de la ferme : écuries, magasins, bucher ou chai de vinification.

Dans Les Causses, pays arides et calcaire, le paysan n’est propriétaire que de quelques bêtes et d’un lopin de terre. Le plus pauvre se contentera d’une maison élémentaire, de plain-pied et de taille réduite. S’il est aisé, la maison sera plus vaste, avec des annexes. Mais, dans les deux cas, la qualité des matériaux et les techniques de mises en œuvre restent similaires.

Une des signatures de l’habitat rural du Quercy est l’escalier extérieur auquel est accolé une tourelle dont la partie haute servait de pigeonnier. On y élevait les pigeons pour le ramassage de la fiente, à usage principal d’engrais, et les pigeonneaux pour la table.

L’élevage des pigeons, ailleurs privilège réservé aux grands propriétaires, fut là-bas permis à tous bien avant la révolution. C’est pourquoi le pigeonnier est indissociable de l’habitat quercynois.

Techniques :

Enduits : « à pierres vues » à la chaux aérienne CL90 (2 volumes), sable locale rouge 0/8 (3 volumes) et sable local jaune 0/3 (4 volumes)
Plancher : planches de châtaignier, dégauchies et rabotées, assemblées à joints vifs, en trois travées, sur lambourdes.

Enduits à la chaux aérienne, plancher en châtaignier.
Enduits à pierres vues et plancher en châtaignier.

Les enduits :

Il faut bien préciser que le besoin de montrer les pierres des murs est une mode assez récente, de même que cirer ou vernir la poutraison des plafonds. Au risque de vexer certains, je vous l’affirme : c’est une aberration!

On pourra m’objecter que « chacun ses goûts » mais, comme disait Paul Claudel, au sujet de la tolérance : « il y a des maisons pour ça. » Lorsque nous décidons de restaurer une maison ancienne pour pouvoir l’habiter à nouveau, nous devenons des « passeurs » et il faut faire en sorte que toutes nos interventions s’inscrivent dans la continuité du bâtiment. C’est à ce prix que nous pourrons trouver notre place dans la longue chaine de ceux qui l’ont habitée avant nous et la transmettre à ceux qui l’habiteront par la suite.

Combien d’heureux propriétaires, qui avaient été séduits par le charme de la maison ancienne qu’ils venaient d’acquérir, se sont retrouvés dépossédés, dans des bâtiments sans âme dénaturés par des travaux réalisés sans respect ni compréhension ou lecture préalable du bâtiment? Il suffit d’ouvrir les yeux pour en faire l’amère constatation…

D’une manière générale, il faut oublier nos besoins modernes de lignes droites, de propre, de lisse, de neuf… Tout cela n’existe pas dans la nature et la maison rurale ancienne est le reflet de son environnement. C’est une « éducation » du regard ou progressivement nous allons découvrir que ce qui est beau n’est plus ce qui se voit mais ce qui ne se remarque pas. Une restauration réussie donnera l’impression que le bâtiment a toujours été ainsi.

Enduit à pierres vues

D’une manière générale, seuls les bâtiments agricoles et les maisons modestes avaient leurs pierres de parement apparentes. Souvent, le mortier de hourdage (utilisé pour monter le mur) était étalé grassement dans les joints s’il n’était pas récupéré pour les rangs suivants de pierres. Il y a bien sûr des cas d’appareillages « savants » ou les pierres étaient laissées visibles à des fins décoratives.

Magnifique appareillage de l’ancienne abbaye de Chaise-Dieu-du-Theil (Eure)

Sur les bâtiments anciens, les pierres apparaissent généralement suite à la dégradation de l’enduit de surface par l’action du temps et des éléments naturels. Un enduit « à pierres vues » va donc s’inspirer de ces altérations.

Il ne faut pas « beurrer » les joints mais projeter l’enduit à la truelle, pour chasser l’air, sur toute la surface du mur. Une fois que l’enduit a commencé à tirer, il faut le brosser délicatement (attention aux brosses métalliques) pour ne laisser apparaître que les têtes de pierres. Le bon moment pour brosser est celui où l’enduit est suffisamment dur pour ne plus encrasser la brosse.

Le plancher :

Plancher en châtaignier posé et cloué par travées.

La différence entre plancher et parquet tient essentiellement à la finesse et à la qualité de finition des matériaux utilisés. Le parquet emploie des panneaux, de petites planches ou des éléments de marqueterie, le plancher des planches.

Nous n’avons plus aucune conscience aujourd’hui du travail qui était nécessaire pour réaliser les pièces de bois qui entraient dans la construction des bâtiments. De la forêt à la pose dans la maison, les étapes étaient nombreuses et les outils sommaires si on les compare aux machines modernes de menuiserie.

Les parquets sont donc restés longtemps réservés aux bâtiments les plus riches et les planches aux maisons « simples ». Souvent, et toujours dans un souci d’économie de le ressource, les planches étaient délignées en enlevant seulement les parties tendres de l’aubier, puis posées et assemblées dans leur longueur par travées. Elles étaient ensuite clouées avec des clous en fer forgé, ou chevillées, sur les lambourdes ou sur les poutres.

Pose d’un plancher par travées avec des planches de largeurs inégales.

Ici, les planches de châtaignier avaient été délignées de façon à avoir la même largeur d’un bout à l’autre, mais chaque planche avait une largeur différente. Elle ont été posées et clouées sur lambourdes en trois travées.

Pour traiter un plancher vous pouvez utiliser de l’huile de lin (cuite, plus siccative) et de l’essence de térébenthine (pure gemme) en respectant le principe du « gras sur maigre » (de plus en plus d’huile de lin à chaque couche), ou une huile dure en faisant bien attention à la passer en couches très fine et à enlever le surplus immédiatement à la mèche de coton.

Plancher en châtaignier posé et cloué par travées.

Et surtout!

Laissez toujours un jeu d’environ un centimètre entre le plancher et les murs. Le bois se dilate, se contracte et bouge sans cesse. A tel point, qu’il peut même, dans certains cas, écarter les murs.

Ne laissez jamais trainer vos chiffons imbibés d’huile de lin et roulés en boule : ils ont une furieuse tendance à s’enflammer spontanément. Alors, quand c’est terminé, on les lave ou on les brule!
(Le principe : en présence d’oxygène, une réaction d’oxydation se produit avec l’huile qui fait monter sa température. Arrivé à la température d’auto-ignition, le chiffon imbibé commence à brûler.)

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