Tester son sable

Trop longtemps, on a cherché à appliquer inconsidérément les techniques de construction modernes à la restauration du patrimoine.

Devant le regain d’intérêt pour la chaux et les matériaux naturels, certains artisans ont pû croire qu’il suffisait d’adapter les recettes du ciment et du ferraillage pour berner le bobo en mal d’authenticité… Ainsi, combien d’acquéreurs de jolies maisons à restaurer se sont-ils retrouvés avec des bâtiments qui avaient perdu tout leur charme à la fin des travaux?

Hors, pour réaliser un bel et bon enduit à la chaux, il faut un bel et bon sable et doser le mélange au plus juste pour que la chaux joue pleinement sont rôle de liant.

Vous avez finalement trouvé ce sable non lavé, d’aspect relativement terreux ou argileux, dont la couleur est magnifique. Il va falloir maintenant le tester pour bien le connaître, et éventuellement le corriger avant de le mettre en œuvre.

Enduit "à pierre vue" : la pierre est faite pour être vue, pas pour être montrée.
Enduit “à pierre vue” : la pierre est faite pour être vue, pas pour être montrée.

Connaitre la teneur en fines du sable : le test de l’équivalent sable

L’essai d’équivalent de sable permet de mesurer la proportion de fines argileuses (particules <0.063 mm soit 63 μm) présentent dans la sable. Le principe est de mettre ces particules en suspension puis de les laisser se déposer. La proportion de fines par rapport au reste de l’échantillon est alors mesurée puis calculée. Le résultat est noté SE10 (“sand équivalent”) et est proportionnel à la qualité du sable : moins il y’a de fines , plus SE10 s’approche de 100, à l’inverse plus il est argileux, plus SE se rapproche de 0.

L’AFNOR préconise dans son DTU (Document Technique Unifié) n° 26.1 – Travaux d’enduits de mortiers, une proportion de fines comprise entre 10 et 15 %. Cette part nous semble insuffisante et les sables que nous utilisons dans nos enduits peuvent atteindre une proportion de 25 à 30% de fines argileuses.

 

Pourquoi des fines?

D’abord, parce que les fines argileuses donnent leurs colorations et leurs nuances aux enduits (les pluriels, ici, sont importants : la couleur ne doit pas être uniforme). Ensuite, pour les qualités plastiques qu’elles apportent au mortier : plus de gras, d’hydraulicité (attention donc aux mélanges avec des chaux hydrauliques – NHL).

Mais un surdosage en fines entraîne un mortier à prise plus lente, sensible à la pluie et au gel sur une période plus longue, une diminution de sa résistance mécanique, et des retraits (faïençage).

Tout réside dans le bon équilibre que l’on va déterminer.

 

Le test

L’idéal pour réaliser ce test est de disposer d’une éprouvette graduée, en plastique, d’une contenance suffisamment importante pour que le résultat soit bien lisible.

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Dans notre essais, nous utilisons un sable local qui a été tamisé pour ne conserver que les grains d’une taille inférieure à 2,8mm (tamis n° 8).

Le sable sec est mélangé avec l’eau est le bocal secoué énergiquement.

Il faut ensuite laisser décanter : les particules les plus lourdes se déposent au fond tandis que les plus fines restent en suspension.

Au bout de quarante minutes environ, les parts de fines et de sable apparaissent clairement et il devient très facile de les calculer :

% argile = (100 x hauteur des fines) / (hauteur totale des fines et du sable), soit ici environ 23%.

Un sable local contenant environ 23% de fines.
Un sable local contenant environ 23% de fines.

Déterminer la juste proportion de liant : le test de l’eau

La chaux est un liant qui va venir occuper les espaces vides entre les grains de sables pour donner sa cohésion à l’enduit.

Pour connaître la proportion de la chaux par rapport au sable, on commence par prendre un volume de sable parfaitement sec. On remplit un récipient, ou une éprouvette graduée, avec un volume équivalent d’eau. On verse cette eau sur le sable jusqu’à ce qu’il soit totalement imprégné (saturation) et que l’eau affleure. Pour que le sable puisse absorber l’eau plus rapidement, le mieux est d’utiliser un récipient large et plat.

En mesurant le volume d’eau versé, on obtient alors l’exacte proportion de chaux à utiliser.

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Quelle granulométrie?

L’épaisseur d’une couche d’enduit se règle sur l’épaisseur du grain de sable le plus important et il ne faut pas hésiter à utiliser des grains allant jusqu’à 8mm, pour une application sur une épaisseur de 1cm.

Dans un enduit à la chaux, une bonne répartition granulométrique est primordiale, car le sable constitue l’ossature du mortier. Les grains de fortes sections assurent l’incompressibilité et les particules plus fines viennent combler les vides.

L’idée est de laisser le moins de vides possible, pour une meilleure cohésion et le plus de points de contact entre les grains. Ainsi vous éviterez le surdosage en liant et réduirez la quantité d’eau nécessaire au gâchage.

Le CAUE Loire Atlantique, la CAPEB Pays de la Loire et l’association Tiez Breiz ont publié un ouvrage remarquable : Les chaux et les sables dans les enduits. Vous trouverez dans ce livret un fuseau type d’un sable pour enduit à la chaux dont vous pourrez vous inspirer.

Enduit en deux couches à la chaux aérienne.
Enduit en deux couches à la chaux aérienne.

Mais attention!

L’usage de sables locaux reste un exercice empirique et, à moins de disposer d’un laboratoire qui vous révèlera précisément la courbe granulométrique de votre sable, il vous faudra évaluer par vous même sa bonne répartition en faisant des essais (voir l’article sur Les sables).

 

La suite :  Les enduits à la chaux et sables

4 réactions sur “ Tester son sable ”

  1. Martin B Réponse

    Bonjour,

    Je travaille sur un bâtiment chez moi, avec un sous-sol, et j’ai la chance d’être sur le lit de la Garonne. Il y a beaucoup de sable et de cailloux.

    Pourriez-vous me conseiller sur l’opportunité d’utiliser ce mélange pour faire du béton pour des fondations par exemple.

    Pour mémoire, j’ai l’intention de le tamiser pour enlever les gros cailloux (plus de 5cm de diamètre).

    Je pose la question car l’avantage est triple :
    1) j’économise sur l’achat de ce mélange (je sais qu’il n’est pas très cher).
    2) Je n’ai pas à faire la manutation, car sortir du sable et le décharger dans une carrière pour le remettre en place, c’est un peu Shadock.
    3) C’est écologique, locavore, ….
    4) ma maison d’à côté a dû être construite de la même façon

    Merci beaucoup

    • Villard Réponse

      Bonjour, je ne suis pas sûr que vous ayez officiellement le droit de prélever du granulat sans autorisation mais… comme vous le dites très justement, c’est ainsi que les maisons étaient construites dans le passé : on prenait ce qu’il y avait sur place. C’est ce qui fait la particularité et la beauté du bâti local. Faîtes juste attention à la présence de terre dans votre mélange (évitez les liants trop hydrauliques dans ce cas).

  2. Kristo Réponse

    bonjour votre site est super 🙂 cela dit j’ai une question : vous dites “Dans notre essais, nous utilisons un sable local qui a été tamisé pour ne conserver que les grains d’une taille inférieure à 2,8mm (tamis n° 8).” puis”D’une manière générale, privilégiez les fortes courbes granulomètrique sans hésiter à utiliser des grains allant jusqu’à 8mm, pour une application sur une épaisseur de 1cm.” > je ne comprends pas bien, si on doit enlever les gros grains du sable non lavé ou pas?
    Merci, j’ai plus de questions mais j’attends que vous répondiez à celle-là 😉

    • Villard Réponse

      Bonjour Christiane, oui c’est parfois difficile d’être clair quand on “écrit” sa manière de faire… En fait, il faut régler l’épaisseur de son enduit sur la taille des grains de sable, ou l’inverse. Le sable que j’ai utilisé pour mon essai était destiné à une couche d’enduit de finition assez fine, un peu moins d’un demi centimètre d’épaisseur environ. Si vous devez réaliser un corps d’enduit qui fera un centimètre d’épaisseur, il faut prendre un sable avec une granulométrie plus forte, donc ne pas hésiter à aller jusqu’à 0/8 (les grains les plus gros s’enfonceront sans problème dans l’enduit et lui donneront de la structure).

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